C'était Caen. Il y a 180 ans, la rue Bellivet était ouverte
C’était Caen. 1er avril 1836, le passage était ouvert, à l’initiative de deux propriétaires de la rue. Aujourd’hui encore, la Ville s’interroge pour dynamiser cet îlot du centre-ville.
Qui est M. Bellivet ?
C’est un ancien notaire de Vire, installé face à la rue des Quatre-Vents (actuellement rue Pierre-Aimé-Lair). En mai 1834, avec un nommé Ravenel, il fait une demande pour ouvrir un passage en face de cette rue. En août, autorisation leur est donnée d’ouvrir un passage de 9 pieds, ou d’une largeur plus considérable, à travers leur propriété, « de la rivière de la Noë jusqu’à l’impasse Gohier ». Le passage et le pont seront ouverts au public gratuitement le jour, des barrières seront posées la nuit. Le passage est donc actif le 1er avril 1836. Le Pilote, journal du Calvados qui paraît trois fois par semaine, ne tarit pas d’éloges sur cette initiative. Il note que « ce passage met en rapport direct la rue Saint-Jean et la place Royale ».
Sitôt ouvert, sitôt commerçant
À peine terminé, ce passage est déjà occupé par des magasins. « La nouvelle galerie est couverte dans toute son étendue d’un vitrage qui, de jour laisse descendre une belle clarté, et de nuit, est bien éclairée par le gaz. Le dallage est en bitume, avec une grande rosace, dans la partie centrale, décrit alors le journal. C’est une espèce de bazar, où sont exposés les produits d’un grand nombre d’industries, où on trouve le confortable auprès de l’élégant, l’agréable et l’utile sont placés porte-à-porte et souvent réunis dans le même magasin, où à côté de Comus, appelant les gourmets à ses fourneaux, les muses tentent les amis des arts aux magasins de musique et de gravures. »
Bellivet, ce héros !
Le Pilote rappelle encore que « bien des gens se demandaient si le succès répondrait à l’attente du capitaliste. Sans se laisser arrêter par les craintes que des échos décourageants ont dû porter jusqu’à lui, il a persévéré. Et aujourd’hui, écrit le journal en 1839, le mouvement de foule qui se presse chaque soir dans cette belle galerie et la circulation continuelle que l’on y voit régner, prouvent que M. Bellivet a conçu une entreprise avantageuse à ses intérêts et fort utile à la cité. » Non baptisée officiellement, la rue a reçu comme nom celui du fondateur. « Il est juste que le citoyen qui, tout en travaillant à ses intérêts privés, fait chose utile à son pays, donne son nom à son oeuvre. »
Et aujourd’hui ?
Le passage a été détruit lors des bombardements de 1944 et remplacé par une rue à ciel ouvert, décalée pour être alignée avec la rue Neuve-Saint-Jean. L’îlot formé entre la rue de Bernières, le boulevard Maréchal-Leclerc, et la rue Saint-Jean fait l’objet d’une réflexion. Lors du dernier conseil municipal, Joël Bruneau, maire, a rappelé que l’ancien cinéma serait rasé pour remettre en valeur l’hôtel de Than tout proche. Un appel à idées sera lancé dans les prochains jours. En 1839, le journal Le Pilote écrivait ceci : « Le succès complet dont M. Bellivet a aujourd’hui à se féliciter encouragera, nous n’en doutons pas d’autres capitalistes à ouvrir ainsi des espaces. » L’appel aux généreux mécènes reste d’actualité.
Cette rubrique est réalisée avec l’aide de Cadomus, cette association a entrepris de reconstituer le Caen d’avant-guerre en 3 D. Chaque samedi, nous portons un regard sur le passé et plus particulièrement sur la date anniversaire d’un événement, tiré de la semaine en cours.
Jean Luc JOURY