La place du 36e RI

Vue générale de la place du 36e RI.
Collection Georges Pigache
La place du 36e RI est créée au 18e siècle mais prend sa forme définitive au siècle suivant. Durement touchée lors de la bataille de Caen, on peine à retrouver aujourd’hui l’ambiance belle-époque qui y régnait avant guerre.
Le secteur de la place du 36e RI en 1705.
Jusqu’au 18e siècle, les environs de l’actuelle place du 36e RI, situés au pied des murailles de la ville, ne sont pas urbanisés. Afin d’accéder à la ville fortifiée depuis le sud, il faut en effet franchir l’Orne par le pont de Vaucelles (également appelé pont Frileux), traverser la prairie de hôtel-Dieu, puis franchir un autre bras de l’Orne, servant de bief au moulin de l’hôtel-Dieu avant d’entrer dans la ville par la porte Millet, située au bout de la rue Saint-Jean.
Le 17 mai 1720, François Guynet, intendant de la généralité de Caen, pose la première pierre d’une caserne dans la prairie de l’hôtel-Dieu. Les travaux sont interrompus et ne reprennent qu’en 1742. Le corps de bâtiment est établi sur une place aménagée entre les deux bras de l’Orne et appelée place Dauphine. Le 26 juin 1786, Louis XVI pose la première pierre d’une nouvelle aile, construite sur les bords de l’Orne. Interrompus par la Révolution, les travaux de ce bâtiment sont repris en 1833 et s’achèvent en 1835.
Caserne Hamelin, façade principale donnant sur la place du 36e RI vers 1935.
Crédits : Archives du Calvados – 72fi_1
Nouvelle aile de la caserne Hamelin construite le long de l’Orne.
Crédits : collection Georges Pigache
Afin de faciliter la circulation sur l’axe Paris-Cherbourg, la porte Millet est détruite dans les années 1760. Sur une partie de son emplacement, l’intendant Fontette fait construire un hôtel qui donne sur la rivière de l’Hôtel-Dieu (futur bâtiment de l’État-major).
Le 6 novembre 1823, l’hôtel-Dieu est officiellement transféré dans l’abbaye aux Dames. Ce transfert est l’occasion de lancer une vaste opération d’urbanisme. Il est prévu de reconstruire le pont de Vaucelles (dont la première pierre est posée en 1825), de canaliser le cours de l’Orne en prolongeant le quai construit à la fin du 18e siècle (actuel quai de Juillet) et de combler le bief des moulins de l’hôtel-Dieu. À la même époque, la partie sud du canal Robert est rectifiée. L’île des Casernes est ainsi rattachée à l’île Saint-Jean.
En 1826, les terrains de l’Hôtel-Dieu sont mis en vente par lots afin d’aménager un nouveau lotissement dans la continuité du quartier Singer créé à la même époque plus au nord (voir l’article sur la place Singer) . La majeure partie des bâtiments est détruite en 1827. Les bâtiments se trouvant sur la place en face de la caserne, indiqué sur un ancien plan comme étant « les maisons des boucher et jardinier » de l’Hôtel-Dieu, sont également rasés.
Plan des années 1820 pour la reconstruction du pont de Vaucelles
Crédits : Archives du Calvados – S/1366
La rue Laplace est créée à l’emplacement d’un ancien passage longeant la grande salle de l’Hôtel-Dieu, la partie nord de la place Dauphine, qui prend alors une forme carrée, est réaménagée, tandis que le quai de Juillet est tracé. Sur la parcelle située entre la place, la rue Saint-Jean et la rue Laplace, l’architecte Émile Guy termine en 1834 l’hôtel Maillard, bâti à peu près à l’emplacement de l’ancien grand moulin de l’Hôtel-Dieu. Son commanditaire était l’entrepreneur ayant reconstruit le pont de Vaucelles. Sur le quai de Juillet, on devait construire d’après un plan uniforme, des maisons avec des arcades. Or, ce plan, établi le 29 juin 1849, n’a pas été suivi ; il est rapporté le 23 juillet 1859. Mais, le 22 juin 1868, on tente d’obliger les acquéreurs de terrains à construire sur le plan de l’hôtel Maillard. Sans succès (à part les n°7-9).
L’armée profite également de ces réaménagements pour annexer les terrains situés entre la caserne Hamelin et l’ancien mur des fortifications, autrefois occupés par le bief de l’Hôtel-Dieu. Elle y fait construire des bâtiments annexes, notamment une geôle militaire donnant directement sur la place.
En 1876, le trente-sixième régiment d’infanterie de ligne (36e RI) s’installe dans la caserne. En conséquence de la décision du général Boulanger, prise en 1886, de renommer les casernes pour leur donner le nom d’un homme de guerre célèbre ou d’une victoire, la caserne de Vaucelles est rebaptisée en l’honneur de Ferdinand Hamelin, ministre de la Marine sous le Second Empire, né à Pont-l’Évêque. Du côté est de la place, face à la caserne, est inauguré le 6 août 1889 le Monument des Mobiles du Calvados. Ce monument aux morts de la guerre franco-prussienne de 1870-71 est le fruit de la collaboration entre l’architecte Auguste Nicolas (très prolifique à Caen à la Belle-époque) et du sculpteur Arthur Le Duc (à qui l’on doit la statue de Bertrand du Guesclin, place Saint-Martin). Cet ensemble sculpté imposant en deux parties (un soldat touché en plein cœur en partie basse, et un griffon au sommet d’une colonne avec trois bas-reliefs en bronze représentant trois scènes de cette guerre : la mort du garde mobile Binet, la mort du capitaine Septime le Pippre et celle du lieutenant-colonel de Beaurepaire de Louvagny) fait l’objet d’une vaste production iconographique dans le contexte revanchard qui marque la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle.
Monument des Mobiles, début du 20e siècle.
Crédits : Archives du Calvados, fonds Aurélien Léger – 110fi_059
En 1894, la place de la Caserne est renommée place Alexandre III, tsar russe mort la même année avec qui la France a conclu une alliance l’année précédente (cette même alliance qui aura pour conséquence la Première Guerre mondiale). De nombreuses cérémonies militaires en l’honneur des anciens combattants sont organisées sur cette place, notamment en 1903 où un arc de triomphe provisoire est érigé à l’entrée de la rue Saint-Jean. Enfin le 10 juillet 1931, la place prend son nom actuel en l’honneur du régiment hébergé dans la caserne Hamelin.
La place est donc fortement marquée par son caractère militaire. Les bureaux de l’État-Major occupent d’ailleurs jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale un immeuble du 18e siècle au débouché de la rue Saint-Jean.
Bâtiment de l’État-Major.
Crédits : Médiathèque du Patrimoine
En 1914, l’hospice Saint-Louis est transféré dans l’ancienne Abbaye-aux-Dames après l’ouverture de l’actuel hôpital Clemenceau. L’ancien hospice est détruit après la Première Guerre mondiale et un nouveau quartier est aménagé à son emplacement. La municipalité réclame également la cession par l’armée de la caserne Hamelin qui, après avoir servi d’hôpital provisoire pendant la guerre, est désormais sous-utilisée. Elle souhaite raser les bâtiments pour élargir le quai le long de l’Orne (le quai des Casernes étant beaucoup moins large que le quai de Juillet). En 1925, la partie 18e siècle de la caserne est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques afin de la protéger, l’extension bâtie au 19e ne l’étant pas. Au final, seuls les bâtiments annexes au nord, construits après le comblement du bief des moulins de l’Hôtel-Dieu, sont détruits dès 1923. La rue du Onze-Novembre est alors tracée à travers les anciens jardins de l’hospice entre la place Alexandre III et la place Foch nouvellement créée, et sur laquelle est bâti le Monument aux Morts de la Première Guerre mondiale.
La place du 36e RI et l’entrée de la rue du Onze Novembre vers 1934.
Crédits : collection François Robinard
À partir de 1901, et jusqu’en 1937, la place est traversée par le tramway électrique. Mais la voiture occupe une place importante sur cette place. Citroën construit sa succursale en 1925 sur le quai de Juillet juste derrière le Monument des Mobiles ; le bâtiment est agrandi dès 1926 et en 1931 une grande aile, œuvre de Georges Wybo, est ajoutée sur la place à l’emplacement d’une villa bourgeoise. Renault, installée sur le quai de Juillet depuis 1922-1923, inaugure une nouvelle succursale le 28 avril 1934, à l’angle de la place et de la rue du Onze-Novembre. La marque Peugeot s’implante à la même époque non loin de Renault, rue du Onze-Novembre.
Place du 36e RI et succursale Citroën, années 1920-1930.
Crédits : collection François Robinard
La municipalité réclame également la cession par l’armée de la caserne Hamelin qui, après avoir servi d’hôpital provisoire pendant la guerre, est désormais sous-utilisée. Elle souhaite raser les bâtiments pour élargir le quai le long de l’Orne (le quai des Casernes étant beaucoup moins large que le quai de Juillet). En 1925, la partie 18e siècle de la caserne est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques afin de la protéger, l’extension bâtie au 19e ne l’étant pas.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la place est occupée par plusieurs institutions de l’occupant. La caserne est utilisée par différents services militaires. La librairie allemande (Frontbuchhandlung) occupe le n°263 de la rue Saint-Jean, à l’angle avec la place. Le garage Citröen est réquisitionné (Heeres-Kraftfahrpark 526).
Librairie allemande (Frontbuchhandlung).
Crédits : collection Telitchko
Éléments du Monument des Mobiles déposés après la guerre près de la porte Saint-Pierre.
Crédits : collection Georges Pigache
Lors de la bataille de Caen, l’ensemble des bâtiments entourant la place, ainsi que le Monument aux Morts sont détruits, soit lors des bombardements aériens des alliés, soit du fait des tirs allemands de bombes SD1 et SD2. Les trois bas-reliefs ornant les côtés du Monument des Mobiles et un morceau de la colonne et le griffon sont toutefois retrouvés dans les décombres. Les bas-reliefs sont transférés par la suite dans le carré du Souvenir français dans le cimetière Nord-Est. Les autres éléments sont temporairement déposés dans les fossés du château, près de la porte Saint-Pierre puis disparaissent sans laisser de traces. La place est entièrement reconstruite.
La succursale de Citröen est reconstruite en 1952 au même emplacement, alors que Renault décide de transférer sa succursale à l’angle du quai Hamelin et de la rue de la gare. La succursale de Citroën a fermé le 2 janvier 2015.
Karl Dupart pour l’association Cadomus