La place Maréchal Foch

La place Foch dans les années 1930.
Crédits : collection Georges Pigache
La place Foch est actuellement en cours de travaux en vue de sa mise en valeur. Créée récemment, à l’aune de l’histoire millénaire de la ville, ce lieu est toutefois doté d’un assez riche passé.
La création de la place
En 1908, le nouvel hôpital (actuel hôpital Clemenceau) est inauguré sur la route de Ouistreham et l’hospice Saint-Louis, fondé au 17e siècle au sud de l’île Saint-Jean, s’installe dans l’ancienne Abbaye-aux-Dames en 1914 (voir l’article sur les établissements de santé).
Il est décidé de démolir l’ancien hôpital, dont les bâtiments et les vastes jardins occupent un immense tènement situé entre la rue Saint-Louis au nord, l’arrière de la rue Saint-Jean à l’est, la caserne Hamelin au sud (voir l’article sur la place du 36e RI) et les anciennes fortifications longées par le petit Cours (actuel cours Général de Gaulle) à l’ouest (voir l’article sur les fortifications de Caen).

Ancien hospice Saint-Louis, vue sur les jardins.
Crédit : Archives du Calvados – 2Fi/15
À cet emplacement, les édiles souhaitent créer un quartier nouveau dans l’objectif de désengorger le quartier Saint-Jean et de fluidifier une circulation automobile encore timide mais qui ne cesse de croître.
Du fait de la Première Guerre mondiale, le projet prend du retard et l’ancien hospice (qui sert d’hôpital militaire) ainsi que les anciennes fortifications1, ne sont démolies qu’en 1920-1921. Un nouveau quartier peut sortir de terre : le quartier Saint-Louis.
Le projet prévoit la création de plusieurs voies dont les deux principales donnent sur une nouvelle place monumentale. Largement ouverte sur la Prairie, cette place est créée à la charnière de la vieille ville (rue Saint-Louis, rue des Jacobins) et de ce nouveau quartier (rue Gabriel Dupont, rue du Onze Novembre).
À l’emplacement de la place existait auparavant le pont Saint-Louis. Construit au bout de la rue éponyme après le percement des fortifications vers 1780, il permet alors de franchir le canal Robert, une voie d’eau artificielle créée en 1104 sous l’impulsion de Robert Courteheuse (d’où son nom) qui faisait du quartier Saint-Jean une île2. Le canal est recouvert à la même époque que la création du quartier Saint-Louis et le tracé de la toute nouvelle rue Arthur Leduc. Au nord de la place (côté vieille ville), des immeubles pré-existent. Ils datent pour l’essentiel du 19e siècle (angle de la place et de la rue des Jacobins), et du début du 20e siècle (angle de la place avec la rue des Jacobins et la rue Saint-Louis).
Dans les premiers projets, elle se nomme « plage G ». Elle est officiellement baptisée place du Onze Novembre le 22 décembre 1925. Il faut attendre le 13 août 1929 pour qu’on lui donne le nom de l’illustre maréchal de France.

La place lors des inondations de l’hiver 1925-1926. La colonne est en construction et les immeubles autour de la place restent à bâtir. En arrière-plan, la caserne Hamelin (voir l’article sur la place du 36e RI).
Crédits : Archives Municipales de Caen, Fonds Delassalle, ARDI73_18
La construction du monument aux morts
Au centre de la place est érigé un important monument. Le 3 avril 1927, la colonne dédiée aux morts tombés en 1914-1918 est inaugurée. Ce projet de monument remonte à 1919 mais le site initialement envisagé est la place Gambetta dans l’axe du boulevard Bertrand.
En 1922, un concours est lancé et vingt maquettes sont présentées dans le cloître de l’abbaye aux Hommes. Paul Bigot en sort lauréat3. Les hauts-reliefs sont exécutés par Saladin Prat côté prairie et Raymont Bigot, le frère de Paul Bigot, côté ville. Henri Bouchard réalise la victoire au sommet de la colonne.

La colonne de la place Foch.
Crédits : collection Aurélien Léger
Les bâtiments art déco
Cette place reste un temps seule au milieu d’un no man’s land, son lotissement ayant toutes les peines à démarrer. Au début des années 1930 sont finalement érigés à l’est et au sud de la place des bâtiments monumentaux contemporains du style architectural en vogue : l’Art déco4.
Peu courant pour la ville de Caen, les immeubles sont hauts. Ils sont occupés par des adresses prestigieuses. En 1931, est lancé la construction de l’immeuble Beauséjour. Occupant tout l’ilot triangulaire compris entre la rue du Onze Novembre, la rue de Verdun et la rue Gabriel Dupond, il est construit pour le compte de la Mutuelle Générale française. Son rez-de-chaussée est occupé par une annexe des Galeries Lafayette, le magasin principal se trouvant boulevard des Alliés (voir l’article sur les grands magasins). Les étages sont occupés par des logements considérés comme luxueux.

L’immeuble Beauséjour et l’annexe des Galeries Lafayette.
Crédits : Collection François Robinard
Situé en face, entre la rue du Onze-Novembre et la Prairie, le fameux hôtel Malherbe est ouvert en juillet 1933. L’hôtel est doté d’une salle de banquet, d’une brasserie (« la Prairie »), ainsi que d’un bar de luxe. Bien que son confort et ses installations auraient pu lui permettre un classement quatre étoiles, le propriétaire, l’entrepreneur Yves Guillou, qui devient maire en 1945, ne demande qu’un classement trois étoiles pour ne pas décourager la clientèle en raison de la crise hôtelière des années 1930.

L’hôtel Malherbe.
Crédits : Collection François Robinard
Un centre d’émanothérapie (qui dispense des cures de radiothérapie par rayons X), premier grand bâtiment Art déco de la ville, est construit en 1928 puis agrandi en 1931 aux angles des rues Saint-Louis et Gabriel Dupont.

Centre d’émanothérapie.
À gauche, on aperçoit l’immeuble de la fin du 19e siècle ou début du 20e siècle à l’angle de la place et des rues Saint-Louis et des Jacobins.
Crédits : Archives Municipales de Caen, Fonds Delassalle, ARDI058_01
La place face aux vicissitudes de la guerre
Sous l’Occupation, l’hôtel Malherbe, repeint en noir par les allemands, est réquisitionné en 1940 pour accueillir la Feldkommandantur 723 (FK 723) qui contrôle le département du Calvados. Les hauts-reliefs du monument aux morts, représentants un coq terrassant un aigle (symbole de la victoire de la France sur l’Allemagne), sont mutilés par l’occupant.
Du fait de la symbolique des lieux, plusieurs actions, comme des manifestions ou des dépôts de gerbe, sont organisées par la Résistance sur la place durant la guerre5.
Les bombardements de l’été 1944 ravagent la place et détruisent l’intégralité des bâtiments l’entourant, à l’exception d’un immeuble à l’angle de la rue des Jacobins et de la rue Saint-Louis ; ce dernier (endommagé mais encore débout) est démoli dans le cadre de la Reconstruction. Les combats n’épargnent pas totalement la colonne qui garde encore de nous jours les stigmates du lourd tribut payé par la ville.

La place après les bombardements de 1944.
Crédits : Archives du Calvados – 64FI/1
Le site est reconstruit rapidement après la guerre. Le style se veut proche de l’ancien, le tracé restant le même qu’avant les sinistres. Les rues Saint-Louis et Gabriel Dupont sont toutefois fusionnées pour former l’avenue de Verdun6, tracée dans l’axe de la colonne.
Après la libération, Raymond Bigot est chargé de restaurer l’œuvre dans son état d’avant-guerre mais le sculpteur meurt en 1953. C’est finalement Ulysse Geminiani qui reconstitue à l’identique l’œuvre de Raymond Bigot. Le monument est inauguré une seconde fois en 1961.
La place accueille depuis les commémorations du 14 juillet.
La place au 21e siècle
En 2014, le célèbre hôtel Malherbe ferme définitivement ainsi que le bistrot Foch. Des logements occupent aujourd’hui l’ancienne adresse.

La place Foch en 2017.
Crédits : Cadomus – Michaël Biabaud
En 2023, la ville lance un projet de réaménagement de la place. À cette occasion, l’Institut national de recherches archéologiques préventives mène une campagne de fouilles qui permet de mettre à jour une partie des fondations de l’ancien hospice Saint-Louis. Les travaux d’aménagement ont commencé en novembre 2023 (rénovation des réseaux enterrés), la végétalisation de la place devant être terminée en 2025 (sur les travaux, voir le site officiel de la Ville).

Les fouilles de la place Foch en 2023.
Crédits : Cadomus – Benoît Hinard
- Ne sont conservées de ces fortifications que la tour Ès-Morts et la tour Devers-les-Près qui font l’objet d’un classement au titre des monuments historiques en 1921. Mais en 1926, la tour Devers-les-Morts, dans un état de délabrement trop avancé, est radiée de la liste des monuments historiques. La tour Ès-Morts quant à elle est détruite pendant les bombardements de la bataille de Caen. ↩︎
- Les fortifications sont construites au 14e siècle sur les bords de ce canal. Dans les années 1830, son cours est redressé au sud de l’actuelle place Maréchal Foch. ↩︎
- Paul Bigot, né à Orbec en 1870 et mort à Paris en 1942, est surtout célèbre pour ses plans de Rome, dont l’un des splendides exemplaires est exposé à l’université de Caen. Ce plan est à la base du travail de reconstitution virtuelle de la ville antique de Rome, effectué par le Centre interdisciplinaire de réalité virtuelle (CIREVE). ↩︎
- Pour aller plus loin sur l’architecture de Caen durant cette période, se référer au livre de Michaël Biabaud : « Caen 1920-1940, de l’Art déco au modernisme » aux éditions Entresol. ↩︎
- Sur ces actions, voir le site du regretté Michel Le Querrec Caen dans la Seconde guerre mondiale. ↩︎
- On peut encore voir le tracé de l’ancienne rue Saint-Louis aujourd’hui au niveau du portail de la succursale de la Banque de France (ancien hôtel Lebrun de Fontenay), qui donnait directement sur cette voie avant-guerre et qui est maintenant en retrait de l’avenue de Verdun. ↩︎