La place Gambetta

Vue vers la place Gambetta en 1938.
Créée plus ou moins à la même période que la place de la République, son illustre voisine, la place Gambetta a connu un développement plus anarchique et s’est peu à peu constituée au fil des siècles.
La place Gambetta de nos jours.
Jusqu’au 16e siècle, on ne trouve dans ce secteur que des champs, dits Petits Près, au milieu desquels coulent de multiples ruisseaux et un bras de l’Orne (Petite-Orne ou Noë).
Emplacement de la place Gambetta en 1585 sur le plan de Belleforest.
À partir de 1590, une courtine est construite pour relier la porte Saint-Étienne (Bourg-le-Roi) et le champ de la Cercle (île Saint-Jean). Une porte, dite porte des Près ou Porte Neuve, est percée en 1595 dans cette muraille sur la rive gauche de la rivière. D’abord bâtie en bois, elle est reconstruite en pierre en 1690. À l’intérieur de cette nouvelle muraille, les anciens champs sont lotis. Sur la rive gauche, la municipalité lance une grande opération d’urbanisme et un quartier se développe autour de la nouvelle place Royale (actuelle place de la République). À l’est de la porte des Près, aboutissent la rue Saint-Laurent et une rue menant à la place Royale (actuelle rue Auber). Entre cette dernière rue et la rivière, s’étendent les jardins de l’hôtel Daumesnil. Au débouché de la rue Saint-Laurent, le comte Gosselin de Manneville, maire de Caen, se fait construire vers 1770 un hôtel particulier.
La porte des Près avec le pont de la foire en arrière-plan.
De l’autre côté de la rivière, le champ de la Cercle devient le champ de foire, après la construction entre 1600 et 1635 des loges de la foire. Les deux espaces sont reliés par le pont de la foire, dans la continuité de la rue Saint-Laurent.
Le même emplacement après la construction de la courtine sur le plan de Gomboust, 1657.
Au 18e siècle et au début du 19e siècle, les fortifications, désormais obsolètes, sont détruites. La porte des Près est démolie en mai 1806 et les fossés de la courtine sont comblés pour créer le boulevard Bertrand. La place s’agrandit donc vers le sud jusqu’au pont des Près (ou aux Vaches) et prend une forme légèrement triangulaire. Mais un ruisseau sépare encore cet espace de la prairie, non urbanisée.
La place au milieu du 19e siècle sur le plan d’Arsène Lecointe.
En 1805, l’hôtel de Gosselin de Manneville devient la résidence du préfet, ses services administratifs étant installés depuis 1803 dans le collège du Mont. La place est alors nommée place de la Préfecture. L’actuel hôtel de la préfecture est construit en plusieurs phases dans la première partie du 19e siècle à l’emplacement de l’ancien hôtel particulier. La galerie et le portail qui ferment la cour sont construits en 1857 par Léon Marcotte. Un immeuble est également construit à l’angle entre la place et la rue du Musée (actuelle rue Auber) dans les anciens jardins de l’hôtel Daumesnil.
La partie nord de la place au début du 20e siècle avant la construction de l’hôtel des Postes.
Crédits : collection Georges Pigache
Dans les années 1860, une grande partie de la Petite-Orne est recouverte pour former l’actuel boulevard Maréchal Leclerc et les anciennes loges de la foire, devenues vétustes, sont rasées afin d’aménager un nouveau quartier avec des équipements publics (rue Daniel Huet) et des maisons bourgeoises (cours Sadi-Carnot). La place s’agrandit alors vers le sud pour s’étendre jusqu’au pavillon des sociétés savantes, dernier vestige de l’ancien champ de foire (construit au 18e siècle, ce bâtiment abritait la police de la foire). Sur le terre-plein créé entre le pavillon et la place, se tient le marché aux porcelaines. La nouvelle caserne de la gendarmerie, rue Daniel-Huet, dispose d’un portail sur la place.
Foire à la porcelaine, fin du 19e siècle.
Crédits : collection Aurélien Léger
Ancienne gendarmerie pendant la crue de 1925.
Crédits : archives municipales de Caen, fonds Robert Delassalle
À l’Ouest de la place, Jacques Désiré Grusse achète en 1876 un vaste terrain afin d’aménager un lotissement constitué de maisons bourgeoises.
Le 18 août 1886, le conseil municipal décide de réaménager la place en créant devant l’hôtel de la préfecture un terre-plein central planté d’arbres et d’arbustes. Le 11 janvier 1896, la place est renommée place Gambetta. De 1901 à 1937, la place est traversée par le tramway électrique (voir l’article sur le réseau de trams).
Hôtel de la Préfecture à la fin du 19e siècle.
Crédits : Archives du Calvados, fonds Thurin – 47fi_008
Après la destruction d’une partie du musée des beaux-arts tout proche (dans l’ancien séminaire des Eudistes) par un incendie survenu en 1905, la municipalité envisage d’ériger un nouveau bâtiment sur le terre-plein de la place, le pavillon des sociétés savantes accueillant déjà depuis 1888 la collection léguée par le colonel Langlois. Mais le projet, qui aurait été financé par une loterie, est rapidement abandonné.
Finalement le périmètre actuel de la place est fixé dans les années 1910. Le 17 juillet 1911, Armand Fallières, président de la République, pose sur le terre-plein la première pierre de la nouvelle école des garçons. Cette école, qui existe toujours, vient réduire la place et lui donner sa forme rectangulaire.
La nouvelle école de jeunes filles tout juste construite.
Crédits : collection Georges Pigache
Vue de la place en 1944.
Le 29 décembre 1924, le conseil municipal accepte qu’un nouvel hôtel des postes soit implanté à l’est de la place, à l’emplacement de l’immeuble dit Fauvel. Pierre Chirol est chargé de construire ce bâtiment qui mêle éléments arts déco et références régionales. Le bâtiment est inauguré par Albert Lebrun, président de la République, le 10 juillet 1932.
Construction de la poste Gambetta.
Crédits : collection Aurélien Léger
Sous l’Occupation, l’école est réquisitionnée par les allemands. Ces derniers construisent également en face de la l’hôtel de la Préfecture un imposant blockhaus, la Funk Militärverwaltung (Transmissions de l’administration militaire).
Pendant la bataille de Caen, la gendarmerie est incendiée. À la Libération, un Arbre de la Libération est planté le 28 novembre 1944 et le blockhaus détruit.
Destruction du blockhaus, 1946.
Crédits : collection Alain Livet
28 novembre 1944, on plante l’arbre de la Libération.
À l’emplacement de l’ancienne gendarmerie, Marc Brillaud de Laujardière, architecte en chef de la reconstruction, bâtit le centre administratif départemental afin d’accueillir les services administratifs de la préfecture. De l’autre côté de la place, à l’ouest, un autre bâtiment administratif est construit.
En 1993, le dernier immeuble du 19e siècle qui faisait l’angle de la place et de la rue Fred Scamaroni est détruit. À leur emplacement, le cabinet Architecture Studio construit en 1996 la nouvelle cité administrative qui logent la cour d’appel, la cour d’assises, le conseil des prud’hommes et le tribunal du commerce. La place prend alors sa configuration actuelle.
Aujourd’hui, cette place, intégralement bordée de bâtiments publics, n’est assurément pas la plus belle ou la plus vivante de la ville. Bordée par deux monuments historiques (l’hôtel de la Préfecture et l’hôtel des Postes), située à quelques encablures de la Prairie (à laquelle est reliée par la rivière encore découverte à l’ouest du boulevard Aristide Briand) et disposant d’une perspective intéressante sur l’abbaye aux Hommes (boulevard Bertrand), elle n’est pourtant pas dénuée d’atouts. Espérons qu’à l’avenir un aménagement saura lui redonner un peu de lustre.